L’écriture est à la poésie ce que la vidéo est à l’art vivant : un médium indirect, donc affadissant.
J’ai toujours pensé ne pas apprécier la poésie, curieux non ? Pour l’auteur d’un blog sur le sujet. I mean, j’ai toujours pensé ne pas apprécier lire de la poésie… Curieux aussi en fait. Mais j’ai récemment compris l’origine de la dissonance entre le plaisir que je tire à écrire des trucs qui riment, et celui que j’éprouve à en lire.
Sur le conseil d’un ami, j’ai commencé à entendre des livres. Genre ça s’appelle, des livres audio. Et comme nul n’arrête l’émancipation numérique d’un type qui n’est, après tout, qu’ingénieur en informatique, c’est avec seulement 143 ans de retard que j’ai découvert cette technologie.
Et je me suis dit, écoutons donc de la poésie de gens pas trop dégueulasses dans le dièz, type ce bon vieux Charles. Et puis, ça me permettra de mieux comprendre les meufs qui, sur Tinder, à défaut de répartie, cite les fleurs du mal. Et dieu sait que ça me tient à cœur.
Et là, je me suis senti stupide.
Stupide d’avoir cru pendant 10 ans ne pas apprécier consommer de la poésie.
L’écriture est à la poésie ce que la vidéo est à l’art vivant : un médium indirect, donc affadissant.
C’est con… même là en écrivant je me sens con.
La poésie n’est pas faite pour être lue. Elle est faite pour être entendue. C’est tellement évident. Comment est-ce que j’ai pu passer à côté d’un truc aussi énorme pendant aussi longtemps ?
Lire de la poésie, c’est comme lire la partition d’une musique, plutôt que d’en écouter sa mélodie. A quoi bon ? La poésie, c’est la musique de la langue. Du coup bah en lire c’est au mieux une perte de temps, au pire une absurdité crasse.
Donc désolé Charles, désolé Alfred, désolé Lamartine (ouais toi sorry je connais pas ton prénom), désolé les gars de vous avoir craché dessus pendant aussi longtemps, mais là tout de suite j’avoue j’ai franchement hâte d’entendre vos trucs qui riment.
De ce hublot qui en douceur crépite,
J’observe le temps à l’humeur labile,
Tandis qu’à tous ceux qu’aujourd’hui je quitte,
J’adresse un flot de pensées volubiles.
Dans l’écrin de mon crâne – nos souvenirs.
Dans le creux de mon âme – vos regards.
Vous, qui seuls avez su me faire rire !
Que j’aime ! Comprendrez-vous pourquoi je pars ?
S’élèvent dans les airs mes ailes de fer.
Sans un dernier regard pour mon pays,
Je m’envole à l’abris de la bruine, Fière,
Loin de ce crachin qu’ici est ma vie.
Tes victoires prostrées, tremblent sous ta peau
Prosternées, crèvent une à une face à bourreaux :
Tes Défaites, conquérantes, guillerettes, te trépanent,
Crissent affreusement dans la crasse acre de ton crâne,
Croquent cru de leurs crocs écrus ou mettent à pic,
Les têtes de tes victoires qui abdiquent.
Vicieuses, Elles salent le sol et souillent les corps
De celles, si belles, qui furent tes ” Encore ! “.
S’infiltrent dans tout ton cortex tels des insectes
Les sons de leurs trompettes, victorieuses et infectes
S’y délectent du règne de leurs Vérités,
Qu’Elles dégueulent de leurs lèvres malformées.
Elles sont subreptices, dégueulasses et rances,
Douces, t’assujettissent à de lasses errances.
D’écrous apathiques elles serrent les vices
Alors que – ne le vois-tu ? – par toi seules sévissent !