Veiller ensemble

Les glaciers sont des corps grisés

Par les nuits froides d’antarctique.

Les nôtres se touchent attisés

Par mes insomnies névrotiques.


Les phares font des pieux habiles

Qui fendent la nuit et tournoient ;

Ton fard fait, de tes yeux subtils

Quelque pareil effet sur moi.


Et comme se meuvent nos envies :

Se coucher comme des enfants,

S’endormir comme des amis,

Se réveiller comme des amants,


Nos caresses veillées

S’ajoutent en secret aux étoiles,

Qui comme elles s’effacent

Mais existent pourtant.

Petite pute

Puisque tu n’es qu’une petite pute morte

qui couches avec d’autres, et ne m’inspires rien,

Puisque tu manigances pour que ne sorte

De ton corps aucun suc. Puisque mes mains


Font des caresses qui s’arrêtent à tes aortes

Qu’encor tu te laisses baiser mais sans entrain,

Alors, je crucifie tes poignets à ma porte,

D’un verre plat je lacère ton ventre plein,


Et me souviens d’un temps – reviendra-t-il jamais ? –

Où main dans la main, mes yeux contents plongeaient

Dans les tiens verts. Nous humions gaiement et sans ruse


Les senteurs de lavandes emportés par le vent.

Aujourd’hui tu me fuis et m’enrages, pourtant,

Je sais qu’un jour tu me reviendras, ma Muse.

Je n’aime pas lire de la poésie

L’écriture est à la poésie ce que la vidéo est à l’art vivant : un médium indirect, donc affadissant.

J’ai toujours pensé ne pas apprécier la poésie, curieux non ? Pour l’auteur d’un blog sur le sujet. I mean, j’ai toujours pensé ne pas apprécier lire de la poésie… Curieux aussi en fait. Mais j’ai récemment compris l’origine de la dissonance entre le plaisir que je tire à écrire des trucs qui riment, et celui que j’éprouve à en lire.

Sur le conseil d’un ami, j’ai commencé à entendre des livres. Genre ça s’appelle, des livres audio. Et comme nul n’arrête l’émancipation numérique d’un type qui n’est, après tout, qu’ingénieur en informatique, c’est avec seulement 143 ans de retard que j’ai découvert cette technologie.

Les premiers enregistrements de musique et de langue parlée sont rendus possibles grâce à l’invention du phonographe en 1877

Et je me suis dit, écoutons donc de la poésie de gens pas trop dégueulasses dans le dièz, type ce bon vieux Charles. Et puis, ça me permettra de mieux comprendre les meufs qui, sur Tinder, à défaut de répartie, cite les fleurs du mal. Et dieu sait que ça me tient à cœur.

Comment ne pas succomber à cette bouille 💓

Et là, je me suis senti stupide.

Stupide d’avoir cru pendant 10 ans ne pas apprécier consommer de la poésie.

L’écriture est à la poésie ce que la vidéo est à l’art vivant : un médium indirect, donc affadissant.

C’est con… même là en écrivant je me sens con.

La poésie n’est pas faite pour être lue. Elle est faite pour être entendue. C’est tellement évident. Comment est-ce que j’ai pu passer à côté d’un truc aussi énorme pendant aussi longtemps ?

Lire de la poésie, c’est comme lire la partition d’une musique, plutôt que d’en écouter sa mélodie. A quoi bon ? La poésie, c’est la musique de la langue. Du coup bah en lire c’est au mieux une perte de temps, au pire une absurdité crasse.

Donc désolé Charles, désolé Alfred, désolé Lamartine (ouais toi sorry je connais pas ton prénom), désolé les gars de vous avoir craché dessus pendant aussi longtemps, mais là tout de suite j’avoue j’ai franchement hâte d’entendre vos trucs qui riment.

Tolbiac

Ange crasseux, tes milles voix rauques sans tact

S’écrasent sur les faces de statues de cire.

Sont-ce les alcôves évidées d’anciens lacs ?

Ces yeux gris que rien ne saurait adoucir.

 

Eux ? Des morts qui dispersent l’opprobre d’automne.

Une fille noire s’en écarte d’un pas sobre.

Elle donne le ressac à tes yeux mornes,

Et de sa main dispensent l’aumône d’octobre.

 

Ta main serre (à rien) ses pièces éparsées.

Tu es bon (à rien) pour une nuit à l’hôtel,

Que des draps propres(-à-rien) s’en viendront bercée.

 

Le train lève l’ancre sonore, souriant, tu sors,

Mes pensées faciles vacillent et s’éteignent. Elle

Te regarde partir par la vitre, et s’endort.

Chat marron

téléchargement

Quelques fleurs aux odeurs de déjà dit

Cueillies en l’honneur de celle que tu fus jadis.

Dans le blanc immaculé de tes habits,

Tu es belle comme en mille neuf cent quatre-vingt-dix.

 

S’étalent sous mes yeux par le passé brumé,

Des pétales d’azalées, de rhododendrons,

Des “ça va aller” sincèrement décernés

Estompent un temps l’image de tes yeux-corindons

 

Un chat marron, entre les tombes chamarrées,

Promène une démarche qui fut la tienne.

D’un papier raturé à ma manche amarrée,

Je lis des mots sur notre vie et la prochaine.

 

Une procession de têtes aux rides gentilles

M’écoutent – malgré la chaleur qui m’engourdit ;

Pendant que les rires de ta petite fille

S’élèvent du cimetière, s’envolent au paradis.

Jacadi

Château-fort
Affaibli
Coffre-mort
Mais, ami

Ma magie
Dans ce corps
Assagi
Danse encore !

Meurtrières
Sont des brèches
Pas des mères.

Les carreaux
Sont des flèches
Pas des mots.

Au loin,
J’entends :
Demain
M’attend.

Le train
Du temps
M’éteint,
Pourtant

J’existe !
En toi
Ma voix

Subsiste
T’appelle
Si frêle :

La
Vie
M’a
Pris

Ta-
Pi
La
Nuit

Je
Crée
Tes

Sèves
De
Rêves











Je pars

De ce hublot qui en douceur crépite,
J’observe le temps à l’humeur labile,
Tandis qu’à tous ceux qu’aujourd’hui je quitte,
J’adresse un flot de pensées volubiles.

Dans l’écrin de mon crâne – nos souvenirs.
Dans le creux de mon âme – vos regards.
Vous, qui seuls avez su me faire rire !
Que j’aime ! Comprendrez-vous pourquoi je pars ?

S’élèvent dans les airs mes ailes de fer.
Sans un dernier regard pour mon pays,
Je m’envole à l’abris de la bruine, Fière,
Loin de ce crachin qu’ici est ma vie.

Défaites

Tes victoires prostrées, tremblent sous ta peau
Prosternées, crèvent une à une face à bourreaux :
Tes Défaites, conquérantes, guillerettes, te trépanent,
Crissent affreusement dans la crasse acre de ton crâne,

Croquent cru de leurs crocs écrus ou mettent à pic,
Les têtes de tes victoires qui abdiquent.
Vicieuses, Elles salent le sol et souillent les corps
De celles, si belles, qui furent tes ” Encore ! “.

S’infiltrent dans tout ton cortex tels des insectes
Les sons de leurs trompettes, victorieuses et infectes
S’y délectent du règne de leurs Vérités,
Qu’Elles dégueulent de leurs lèvres malformées.

Elles sont subreptices, dégueulasses et rances,
Douces, t’assujettissent à de lasses errances.
D’écrous apathiques elles serrent les vices
Alors que – ne le vois-tu ? – par toi seules sévissent !